Texte (pour indexation)

Je veux vous raconter un banquet que je fis
Qui comporta désir, et passion, et Amour
Un repas si copieux qu'il me laissa bouffi,
Mais repu et content de ce charmant séjour.

Je fus donc invité à cette réception
Où je pus rencontrer la délicieuse enfant...
Mais ! Ne me pressez pas ! Je ne dirai son nom !
Laissez-moi vous en dire un peu plus, à présent.

Elle arriva d'un coup, semblable à une bulle
Remontant les parois de mon apéritif.
La voyant débarquer, sortant du vestibule,
Je ne pus m'empêcher d'être plus attentif.

Je la vis tournoyer entre tous les convives,
Observant ses traits fins, sa jeunesse éclatante,
Effervescente tel le champagne, effusive.
Son sourire attisa ma fringale naissante.

Je m'en approchai donc, afin de lui parler,
Mordant à l'hameçon, attiré par la mouche,
Alléché par ses yeux dont le fond noir perlé
Était le caviar sur mon amuse-bouche.

Je l'abordai dès lors -une habile manœuvre !-
En lui lançant un trait qui la fit beaucoup rire,
Mais je n'étais alors qu'au stade du hors-d'œuvre :
Je m'échauffais toujours pour la suite à venir.

Elle se présenta, et puis j'en fis autant.
Immédiatement, elle était enchantée.
La discussion flotta ; nous la tînmes en dansant.
J'ai -je le dis sans peur- réussi mon entrée.

C'est en menant le pas que son charme subtil,
Que ses yeux pétillants, que son joli sourire,
Que son discours piquant, ravissant, volatil
M'envoûtèrent. Voilà ! J'ose enfin vous le dire !

Je sentis cependant que mon charme agissait,
Et mon pouvoir fondit, comme un aigle sur elle.
Ses joues, me parlant, tout à coup rougissaient.
Notre danse, du coup, bouillonna de plus belle.

Je laissai mijoter. Quand elle fut à point,
Je cambrai doucement la mignonne en arrière
D'un mouvement expert, calculé avec soin,
Je l'embrassai soudain, et la fit quitter terre.

Ce baiser si sucré, comme un raisin bien mûr
Fut notre apothéose, et mit fin à la danse.
D'un regard entendu, et sans même un murmure,
Nous nous ruâmes sur le plat de résistance.

Une fois éloignés, à l'abri des regards,
Mes mains la parcourant, elle se fit câline,
Et sans plus hésiter, dans un fiévreux brouillard,
Je vis s'évaporer l'encombrante mousseline*.

Le reste la suivit tant nos bouches affamées
Du fruit** défendu, voulaient goûter la chair.
Je devins sucre d'orge, elle crème glacée ;
Nous nous laissâmes donc tenter par ce dessert.

Et c'est tout pantelants, mais heureux, rassasiés
Que nous nous retrouvâmes après la gaillardise.
Et moi, en souriant, je dis, pour l'amuser :
"Si l'Amour est café, tu es sa mignardise."

 * faire la syncope (mouss'line)
 ** vient de "fructus", donc demande la diérèse